MISSION 1 :
Récit N°2 - Premier sang
Ce matin, nous avons décollé à 4h30 pour tenter de freiner l'offensive républicaine surprise sur la ville de Brunete. Le vol a été éprouvant pour certains ; le manque de sommeil se fait cruellement sentir. Au décollage, nous avons failli perdre notre leader, Matt, qui, pour une raison inconnue, a laissé son avion embarquer à droite, frottant ainsi l'aile de son He-51 sur le sol de la piste. Mais croyez-moi, même ainsi, il a réussi à prendre l’air. Rien ne résiste à ce vieux Matt !
Une fois en l'air, le dispositif s'est rapidement mis en place, et nous avons pris un cap direct vers l'objectif. J'étais impatient, comme un enfant la veille de Noël. Cependant, sans qu'aucun chasseur ennemi ne nous attaque, j'ai soudain entendu un affolement inattendu à la radio !
Deux avions du groupe Bruno étaient entrés en collision ! L’un d’eux était piloté par Gilbert, le cousin d'Anatoli et de Catsy. L'avion de Gilbert était irrécupérable ; notre vieil ami n'a même pas eu le temps de détacher ses sangles avant que son appareil ne percute le sol. Il est mort, emportant avec lui sa bonne humeur légendaire. Anatoli, qui nous écoutait depuis le sol, son He-51 étant en panne, a entendu la nouvelle... Je n'ose imaginer ce qu'il a ressenti.Durant l’incident, j’ai cru comprendre que la dérive du chef des Bruno avait été sectionnée, l’obligeant à un atterrissage d’urgence sur la base aérienne d'Almorox. Apparemment, Anat l’aurait rejoint là-bas, mais je n’ai pas plus d’informations.
Après une bonne vingtaine de minutes de vol, nous avons enfin aperçu la zone de combat. Les chasseurs italiens tournaient en rond, engagés dans des duels acharnés contre les I-16 républicains.
Plus loin, le chaos régnait au sol : des traçantes fusaient dans tous les sens, des explosions éclataient dans toutes les directions... un véritable feu d’artifice.
C’est alors qu’un autre groupe de He-51 nous signala à la radio la présence d’une dizaine de blindés non loin du village de Perales de Milla. Matt avait fait son choix : les blindés de ce petit village espagnol allaient constituer notre premier « repas ». J’observe à ma gauche, mon numéro quatre, le bon vieux Zvesdoy, qui me suit en maintenant une formation parfaite. Puis l’ordre de déverrouiller les armes tombe…
Les blindés et d’autres véhicules sont en vue, dispersés dans le secteur. L’ordre est donné de former un cercle défensif et de passer à l’attaque. Je vois Spooky plonger sur un char, mais sa bombe n’a aucun effet, malgré une précision chirurgicale. Puis vient le tour de Tips… même résultat. Tout est allé tellement vite que moi-même, je ne me rappelle plus de certains détails…
Les attaques se succèdent, et nos bombes s’épuisent rapidement ; nous aurions dû emporter des SC50 pour détruire les blindés ! Ces satanées SC10 n’ont eu aucun effet...
Nous décidons alors de cibler les camions. Pourtant, pour une raison que j’ignore, j’ai du mal à les mettre hors de combat, malgré les rafales que je leur inflige.
Soudain, mon élan est interrompu : la radio de Matt s’est coupée. Nous craignons qu’il ait été abattu, mais quelques minutes plus tard, notre leader, Anton, redonne signe de vie. Les attaques s’enchaînent, le rythme est bon, et nous sommes efficaces contre les nombreux véhicules tentant de se frayer un chemin vers le sud.
Je poursuis mon balai aérien et me rends vite compte que je me suis retrouvé seul et éloigné du groupe. Je fais profil bas à la radio et me réintègre dans le cercle, ni vu ni connu. Je reprends alors les attaques, mais les véhicules se déplacent maintenant dans des champs parsemés de grands buissons et d’arbres, ce qui complique mes frappes. À plusieurs reprises, je me retiens de plonger, car je ne vois rien.
Puis, entre deux buissons, j’aperçois un camion-citerne. Je fais plonger mon avion avec violence dans un virage à gauche pour l’aligner sur le véhicule dont je peux distinguer le conducteur... Et là, mes satanées mitrailleuses s’arrêtent : je n’ai plus de munitions, sans doute ma bonne étoile m’a-t-elle évité un accident, ou je ne sais quoi.
Quelques minutes plus tard, le leader donne l’ordre de rentrer à la base ; tout le monde est épuisé, et le retour se fait sans encombre.
Le terrain d'Almorox est en vue, et j'ai hâte de rentrer. Nous avons un visuel sur la piste et entamons notre approche pour l’atterrissage. Je me pose en solo, légèrement blessé au bras, ce qui m’empêche d’assurer la formation en Box 2. Mon fidèle Zvesdoy passe devant moi et disparaît dans le circuit de piste avec un autre appareil.
Pour la finale, ce satané avion ne semblait pas vouloir s’enfoncer, sans doute à cause de l’effet de sol ou de mon incapacité à respecter le tour de piste... Finalement, j’arrive quand même à poser mon vieux Heinkel 51 et je roule vers le parking. J'ai entendu dire que les mécaniciens ont eu la bonne idée de garer certains avions à l'extérieur du terrain... Mais quelle mouche les a piqués ?
Enfin, me voici. À peine arrivée au parking, que j'arrête mon moteur, me laisse glisser hors de mon avion et m'allonge dans l'herbe. Je m’endors dans la seconde qui suit. Je me réveille vers 9h30 en entendant un officier rappeler à Matt l'importance de préserver nos avions. Effectivement, la collision de la veille a quelque peu échauffé l’officier logistique de la base d’Almorox. Mais il ne peut pas comprendre, et de toute manière, ce qui est fait est fait. Après tout, chacun son boulot : le nôtre est de combattre, le sien est de trouver des avions afin de comblées les pertes...
Quelques minutes passent, et j’aperçois le bon vieux Tips s’approcher de moi. Il me dit que nous repartons attaquer une colonne de chars. D’un geste faible, je lui mets la main sur l’épaule et lui réponds : « Bon, eh bien, allons une nouvelle fois flirter avec la mort. » Il sourit, et nous marchons ensemble vers nos montures.
À 10h00, nous sommes prêts à y retourner. Je regarde à ma gauche ; Zvesdoy ne bronche pas. Il a sans doute connu la Première Guerre mondiale, il n’a plus peur de rien. Je vois Matt rabattre sa carte, Catsy les yeux rivés sur son viseur, et Spooky qui essaie sa radio en criant dedans. Pour ma part, je prie ma bonne étoile pour rentrer vivant...